À la Gloire des Démolisseurs, la sculpture d’Anna WAISMAN, ré-inaugurée le 15 mai 2022

En ce sextidi 26 floréal an 230, jour du Fusain, (ci-devant dimanche 15 mai 2022) les sept coups de 11h02 viennent de sonner au campanile de la cathédrale Saint-Jules Depaquit quand, tout à coup, surgie de nulle part, une foule dense se presse à l’angle de la rue Saint-Rustique et de la rue du Mont-Cenis. Une fanfare toute de rose vêtue squatte la rue piétonne. Des centaines de personnes, des personnalités, des badauds, des curieux, des religieuses en cornette, des militaires en permission et des éléments incontrôlés occupent une grande partie de la chaussée devant le bistro Le Ceni’s (anciennement Le Grenier).

C’est le moment choisi pour ré-inaugurer cette sculpture déjà inaugurée en mai 1960 par une bande de montmartrois facétieux qui n’étaient pas peu fiers d’avoir été les auteurs d’un canular artistique d’une tonne !

En 1960, comme le montre le reportage télévisé visible sur le site de l’INA, Anatole, le fameux garde-champêtre conduit la fanfare des pompiers de la Commune Libre du Vieux Montmartre. Le maire Pierre Labric surveille de près le déroulement de l’affaire. Juché sur un escabeau, le patron du Grenier Fred Bretonnière se prépare à dévoiler la statue. C’est Gabriello, célèbre chansonnier du moment, qui en renversant un seau d’eau, va « baptiser » l’œuvre d’Anna Waisman, l’artiste qui se trouve à ses côtés et qu’il va se dépêcher d’embrasser très chaleureusement. Sans surprise, les pompiers et les participants se précipitent à l’intérieur du cabaret Le Grenier, probablement pour éteindre leur soif avec le verre de l’amitié montmartroise.

Depuis 62 ans, la statue est toujours à la même place, sur la terrasse d’un bistro qui l’a aujourd’hui totalement « intégrée » à ses tables et chaises. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir prendre son petit déjeuner à 20 cm d’une œuvre d’art. Certains « experts » l’ont un peu rapidement identifiée comme une pierre sacrée rapportée de Polynésie. Il a fallu l’obstination de Sibylle Blumenfeld, épouse du fils de l’artiste, pour faire réapparaitre sur la scène montmartroise, parisienne et artistique le sculpteur et son œuvre. Et aussi pour révéler à la Commune Libre qu’elle était « propriétaire » d’À la Gloire des démolisseurs, ce qui était totalement sorti de la mémoire collective.

Résumons : Anna Waisman, sculpteur débutante et persévérante, s’exerce sur le chantier de démolition du viaduc d’Auteuil. Jean Valentin, patron de l’entreprise éponyme et de travaux publics, intéressé par le travail d’Anna, va lui commander une sculpture « à la gloire des démolisseurs » . Valentin est aussi un des adjoints de Pierre Labric, comme Bretonnière et bien d’autres. La manifestation de 1960 sera largement couverte par la presse télévisée et écrite et nombreux articles paraissent sur Anna Waisman.

En 2022, l’occasion faisant le larron, c’est dans le cadre des festivités du centenaire de la Commune Libre de Montmartre que sera ré-inaugurée cette sculpture. La cérémonie est ouverte par Marielle-Frédérique Turpaud, maire de la Commune Libre de Montmartre qui, comme à son habitude, a préparé un discours en forme de poème, que nous reproduisons volontiers ci-dessous.

À LA GLOIRE DES DÉMOLISSEURS 1960

Le vieux viaduc d’Auteuil a vécu ses instants,
Et seules les photos gardèrent ses voyages.
Les pierres désormais comme seul paysage
Tombées de ça de là en n’importe comment.

Anna WAISMAN a vu ces débris tristement :
Sculpteur elle a osé y créer des visages.
Le vieux viaduc d’Auteuil a vécu ses instants,
Et seules les photos gardèrent ses voyages.

C’est ainsi qu’à Montmartre un touriste en flânant
Découvre la statue à l’orée du passage (rue Saint-Rustique),
Comme un Celte échoué loin de sa lande sage,
Comme une île perdue chez Gauguin ou Vincent :
Le vieux viaduc d’Auteuil conservé dans le temps
Baptisé au printemps.

Marielle Frédérique Turpaud
en la présence de la famille
Dimanche 15 mai 2022 / 26 floréal 230

   

Le président de la Commune Libre Jean-Loup Bouvier dresse ensuite un rapide portrait de chacun des « responsables » de ce canular : Pierre Labric, le maire ; ses adjoints Jean Valentin, l’entrepreneur et Fred Bretonnière, le cabaretier ; sans oublier le garde-champêtre Anatole et le chansonnier Gabriello.

C’est maintenant le moment d’écouter les « officiels » qui honorent  cette cérémonie de leur présence amicale. Pierre-Yves Bournazel, député de Montmartre qui est l’auteur d’une interpellation au Conseil de Paris visant à valoriser l’artiste Anna Waisman et sa sculpture. Frédéric Badina-Serpette et Danièle Premel, adjoints au Maire du 18ème qui viennent rappeler tout l’intérêt porté par la municipalité d’arrondissement à la préservation du patrimoine montmartrois. Et Karine Taïeb, adjointe à la Maire de Paris en charge du patrimoine, qui a découvert récemment l’artiste Anna Waisman et son œuvre. Dans un propos très détaillé, elle retrace les aspects marquants de la vie d’Anna Waisman, son passage de la danse à la sculpture et l’étendue et la diversité de sa production artistique. (TEXTE À JOINDRE)

Samuel Blumenfeld, fils d’Anna Waisman, redira tout le plaisir et toute l’émotion qu’il ressent avec cette cérémonie. Il évoque sa mère, son courage, son combat, ses débuts d’artiste.  (POUR LIRE LE DISCOURS, CLIQUEZ SUR CE LIEN)

Enfin, il est temps de passer à la partie « officielle » de la ré-inauguration, à savoir le baptême par l’eau de la statue, comme cela fut fait en 1960. Samuel et Sibylle Blumenfeld dévoilent la sculpture. Marielle-Frédérique Turpaud vient se joindre à eux pour « re-baptiser » l’œuvre d’art, en y reversant le traditionnel seau d’eau, comme le fit Gabriello, il y a 62 ans.

 

Et toujours en musique, le maire et Samuel Blumenfeld vont dévoiler la plaque murale.

Saluons la présence remarquée de Gérard et Rémi Bretonnière, fils et petit-fils de Fred, le cabaretier du Grenier. Cyril Valentin, petit-fils de l’entrepreneur, était excusé.

A droite de la statue, était exposée cette très belle photo représentant Anna Waisman dans son atelier, entourée de sculptures inspirées par les lettres de l’alphabet hébraïque. Son auteur, Jacky Azoulai était d’ailleurs présent à la cérémonie de samedi. On le voit à côté de sa photo entre Sibylle et notre Maire.

Nous remercions vivement Jacky Azoulai de nous autoriser à utiliser plusieurs de ses clichés pour illustrer cet article.

Prenez connaissance de l’excellent article de Sybille Blumenfeld paru dans le numéro 7 (juin 2022) de Montmartre en Revue : pour lire l’article, cliquez sur ce lien

Et maintenant, allez donc vous délecter de l’excellent billet d’humeur de ChrisWac sur son blog Montmartre secret :  https://www.montmartre-secret.com/2022/05/scupture-rue-du-mont-cenis.anna-waisman.le-grenier-le-ceni-s.html